En avant Fanfan la Tulipe...

En novembre 1950 Gérard va saluer Jean Vilar dans sa loge à la fin de la représentation de "Henri VI" et lui fait part de son souhait d'intégrer la troupe du festival d'Avignon et de jouer le Cid. En juillet 51, il travaille le rôle avec Georges Leroy, son ancien professeur. Gérard redonne toute sa jeunesse et sa fougue à Rodrigue. La représentation du 15 juillet 51 au festival d'Avignon est un grand succès et les critiques sont unanimement enthousiastes.
Voici ce qu'écrit Robert Kemp dans le monde : "Le voici, ce Cid de vingt ans, beau comme Achille, fier comme Roland, plein de flamme, vif et gracieux, héroïque et amoureux, que Corneille a donné aux humains et que si peu de comédiens - aucun depuis que je suis au monde - ont incarné selon nos songes ! (...) Le voici, c'est Gérard Philipe, dont la silhouette a le dessin haut et cambré d'un Mantegna ou d'un Velasquez, dont la voix a des éclats de tonnerre et de caresses ; dont le masque surtout vit sont âme. (...) Tout le texte merveilleux semble réinventé par cette bouche inspirée."
Dans ce même festival, Gérard interprète également le "Prince de Hombourg" (16 juillet) et "La Calandria" (17 juillet), deux pièces plus méconnues du public. Dans le "Prince de Hombourg", il parvient à donner un sens à la difficile scène où le Prince supplie pour sa grâce. Avec d'autres acteurs, cette scène amène le spectateur à mépriser le personnage, avec Gérard le public entrevoit que, plus que de la lâcheté, c'est une envie de vivre qui pousse le Prince à supplier.
A partir de ce moment, la fidélité de Gérard au T.N.P. et à Vilar sera totale et durable. En effet, Gérard ne foulera plus les planches pour d'autres metteurs en scène (mis à part lui-même et René Clair une fois, mais toujours dans le cadre du T.N.P.).
L'été 51 voit Gérard revenir devant les caméras de cinéma avec "Fanfan la Tulipe", rôle dans lequel il peut utiliser sa spontanéité et sa fougue. Ce tournage qui se déroule dans la bonne humeur lui permet de se défouler après les rôles tragiques qu'il vient d'interpréter au théâtre.
Avec ce rôle de Fanfan, sorti en salles en mars 52, Gérard devient l'idole des jeunes aux quatre coins du monde. Il aurait pu céder à la facilité en jouant dans "Les trois mousquetaires" qu'on lui propose alors mais il préfère refuser. La critique s'étonne de lui trouver cet esprit frondeur après l'avoir vu jouer des personnages plus dramatiques au festival d'Avignon et salue ici son pouvoir de renouvellement.
Le 29 novembre 51, Gérard épouse Anne à la mairie de Neuilly, dans une totale intimité.