La meilleur part


Une admiratrice sur la place rouge
à Moscou

Le 21 décembre 54, Gérard devient père pour la première fois d'une petite Anne-Marie. Et au printemps 55, toute la famille part s'installer rue de Tournon.
A l'occasion du tournage des "Grandes manoeuvres" de René Clair, Paris-Match, dans son numéro du 9 juillet 55, publie des photos du film. Et le journaliste clôture son article par "C'est le vingtième film de Gérard Philipe : 20 rôles, 20 séducteurs". Même si les rôles de séducteurs ont une part belle dans sa filmographie, Gérard a cependant à son actif quelques personnages bien différents. Les raccourcis journalistiques sont aisés et oublient "L'Idiot", "Une si jolie petite plage", "Souvenirs perdus", "Les orgueilleux" où Gérard fait des compositions remarquables, loin du séducteur collectionneur de conquêtes.
En juillet 55, Gérard retrouve Yves Allégret pour tournage de "La meilleur part". Ce film constitue une commande de la part de la profession pour inciter à la construction de barrages. On trouve beaucoup de similitudes entre Perrin, l'ingénieur que Gérard interprète et lui-même : malgré une santé fragile il ne rechigne pas à la tâche et son attachement aux valeurs humaines et syndicales n'est pas feint.
Entre le 21 et le 30 octobre, il part pour Moscou assister à la Semaine du cinéma français puis parcours l'URSS en compagnie de Anne. Lors de ses nombreux voyages à travers le monde (La Chine en 57, le Canada et les Etats Unis en 58 avec le TNP, le Mexique en 59, Cuba) Gérard ne se contente pas de ce qu'on veut lui montrer. Il souhaite rencontrer la population, s'informer sur les conditions de vie et de travail des comédiens. Il affiche clairement son attachement à la gauche et s'engagera dans le syndicaliste en 57.
Un conflit interne menace de faire exploser l'Union des Acteurs, ce qui aurait le néfaste effet de retirer le poids du syndicat. Sollicité et aidé de 40 autres membres de la profession, Gérard présente un projet de texte visant à rassembler les "troupes". Ce texte, approuvé par le Syndicat National des Artistes, est rejeté par le Conseil du Syndicat. Trop c'est trop. Gérard décide alors de créer le Comité National des Acteurs dont on lui donne la présidence. Ce comité fait vite sentir son pouvoir et 300 acteurs du SNA rejoignent cette équipe. Au centre de sa politique de restructuration de la profession, la décentralisation prend une part importante afin de soutenir les spectacles de province qui ont du mal à exister. Une fois de plus, quand il s'engage, Gérard ne met pas de demi-mesures et s'investit totalement. Michel Piccoli dira de lui dans "Dialogues égoïstes" d'Olivier Orban : "Je l'ai connu alors qu'il était à la tête du Syndicat des Comédiens, un syndicat toujours au bord de la débandade. Mais Gérard, bien que ludion-acteur, avait une vraie conscience politique. Intemporel sur l'écran ou sur la scène, il se transformait dans la vie en un citoyen parfaitement responsable de ses actes. Il me fascinait par sa précision et son autorité, en contraste avec la grâce impalpable qui se dégageait de son visage juvénile. Figure de proue du monde du spectacle, Gérard était un homme qui laissait partout où il allait une trace indélébile de sérieux et de magique."
En juin 58, Gérard parvient à réunifier le CNA et le SNA en un Syndicat des Acteurs Français. Devant la réussite de ce tours de force il est élu à sa tête. L'engagement syndical sera le sien jusqu'au bout.