La fièvre monte à el Pao


22 novembre 1959...

Entre mai et juin 59, tournage de "La fièvre monte à el Pao" se déroule au Mexique. Bunuel veut faire ce film pour des raisons commerciales. Vasquez est un homme moyen qui ne convient pas à un comédien de la pointure de Gérard. Il s'efface pour laisser place à son personnage et certains lui reprochent une façon de jouer un peu tiède. Une fatigue accrue ressentie par Gérard lors de ce tournage explique peut-être aussi ce personnage un peu fade que nous offre la caméra.
Juillet 59, Gérard passe ses dernières vacances à Ramatuelle. Il se repose et retrouve vivacité et entrain. A cette occasion Ciné-revue publie un article dans son numéro 34 du 21 août 1959, article que je propose dans son intégralité à la fin de cette biographie. Cet article, aussi anodin que les autres, prend toute sa dimension quand on sait qu'il a été écrit seulement 3 mois avant la disparition de Gérard et que c'est l'un des derniers publiés de son vivant.
Comme Gérard se sent mieux et qu'il faut bien reprendre le travail, toute la famille rentre à Cergy le 28 septembre. Il met à exécution un projet de longue date, jamais réalisé : il part avec Anne sur la côte Anglaise applaudir Laurence Olivier sur scène. Gérard pense alors sérieusement à jouer Halmet l'année suivante. Le choix de ses rôles a toujours été guidé par son âge. Il a même parfois accepté des rôles auxquels il ne tenait pas vraiment pour ne par avoir à dire plus tard "je n'ai plus l'âge de le faire" et pour lui le temps d'Hamlet est arrivé. Le voyage en Angleterre a fatigué Gérard. Les médecins découvrent alors chez lui un abcès amibien au foie qu'ils décident d'opérer le 9 novembre. C'est un cancer primaire du foie inopérable qui se dévoile finalement. Anne est la seule à savoir et ne dit rien. Gérard doit mourir et elle veut le préserver jusqu'au bout et rompt pour la première fois le serment de vérité qui a toujours fonctionné entre eux. Gérard rentre chez lui rue de Tournon 10 jours après l'opération et replonge dans ses lectures en prévision de rôles futurs. Il souhaite qu'Anne organise des vacances à la montagne pour sa convalescence. Et puis le 25 novembre c'est le choc pour la France qui pleure : Gérard Philipe est mort, emportant avec lui Rodrigue, Fanfan, François, Muichkine et les autres, ceux qu'il ne pourra jamais nous offrir. C'est dans son habit du Cid qu'il est enterré le 28 novembre à Ramatuelle.
Gérard laisse un dernier film qui sort sur les écrans en janvier 60. On aurait souhaité une autre fin que cette "Fièvre monte à el Pao" qui nous laisse comme un goût de déception au coeur.
   

Devenez fermier modèle avec Gérard Philipe
"Dans la ferme qu'il a acheté dans la campagne de Saint-Tropez, près de Ramatuelle, Gérard Philipe, fidèle au rendez-vous qu'il nous a donné l'an dernier, à reçu "ciné-revue" en grande exclusivité... Le héros des "Liaisons dangereuses" revenait du Mexique, où il a tourné sous la direction de son ami Luis Bunuel, le drame d'amour de "La fièvre monte à el Pao". Il était ravi de se retrouver dans le décor familial et discret de cette vieille maison provençale et des champs qui l'entourent, où il passe chaque année ses vacances avec sa femme et ses deux enfants.
Pour nous, il a déployé gentiment ses connaissances de fermier modèle. C'était une façon bien agréable de faire le tour du propriétaire...
A la rentrée, Gérard redeviendra la vedette du T.N.P. Quant au cinéma, il n'a pas encore véritablement choisi entre les nombreux projets qu'on lui a proposés depuis le printemps dernier.
On aperçoit rarement en ville ce gentleman-farmer qui aime avant tout le calme et le confort délicat de son refuge parmi les vignes et les oliviers. Loin des extravagances parfois discutables de certaines stars moins célèbres que lui, Gérard Philipe, heureux et simple, donne le sympathique exemple d'une vie et d'une carrière conduites avec la même intelligence."
Ciné-revue n°34 du 21 août 1959